9. février 2022

Projet de loi relatif à l’acte modificateur unique de la législation sur l’énergie et sur l’approvisionnement en électricité

Nous voulons de la sécurité pour la Suisse. Sécurité alimentaire, sécurité en matière de santé, sécurité du régime de retraite – mais aussi sécurité d’approvisionnement en électricité et autres énergies. Et nous souhaitons que cette sécurité d’approvisionnement soit sûre. Le projet de loi que la commission de l’énergie du Conseil des États a commencé à examiner fin janvier s’intitule en effet « Loi fédérale pour un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables ».
Le nom du nouveau texte de loi sous-entend, à juste titre, que les énergies renouvelables sont en mesure de garantir un approvisionnement en électricité sûr. À présent, il est important que la loi soit à la hauteur de son intitulé et qu’elle soit conçue de manière à ce qu’un approvisionnement en électricité sûr devienne effectivement une réalité en Suisse, grâce à un développement accéléré des énergies renouvelables.

Les grandes lignes du projet de loi vont dans le bon sens : objectifs de développement plus ambitieux que ceux de la précédente loi sur l’énergie ; soutien pour la mise à disposition d’électricité en quantité suffisante, notamment en hiver ; réserves d’énergie pour se prémunir contre les situations extraordinaires, etc. Sur certains points, il est toutefois important que les représentant-e-s de la CEATE-E procèdent à des adaptations. En effet, pour atteindre les objectifs approuvés par une grande majorité de la population lors de la votation sur la Stratégie énergétique 2050, la transition de notre système énergétique vers le renouvelable et la neutralité climatique doit clairement augmenter la cadence.

Nous devons partir du principe que nous ne pourrons plus recourir aussi facilement que nous le souhaiterions à l’électricité de nos pays voisins, sur laquelle nous pouvions compter dans les scénarios précédents. Après la rupture des négociations avec l’UE, la perspective d’un accord institutionnel sur l’électricité – pourtant si important pour notre sécurité d’approvisionnement – s’est franchement éloignée. Ceci a pour conséquence simple et évidente que nous devons à présent passer la vitesse supérieure en matière de développement des énergies renouvelables. Et si nous le voulons vraiment, nous pouvons y arriver.

Pour que le développement des énergies renouvelables puisse être régi de manière plus contraignante dans la législation, des objectifs supérieurs doivent être fixés en matière de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. À l’horizon 2035, il s’agit désormais de viser un objectif de 35 TWh, nettement plus ambitieux que les 17 TWh actuellement prévus par le projet de loi. Et d’ici 2050, nous devons nous doter d’au moins 45 TWh de moyens supplémentaires de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Aux côtés de l’hydroélectricité, déjà bien développée, le photovoltaïque sera le second grand pilier de notre production d’énergie, tandis que les autres technologies comme l’éolien, la biomasse et la géothermie devront elles aussi apporter leur contribution.

Une intégration fiable dans le marché européen de l’électricité serait et demeure la solution la plus efficace pour garantir la sécurité d’approvisionnement de la Suisse. Par ailleurs, nous avons besoin d’incitations appropriées pour accélérer la construction de nouvelles installations en Suisse. Pour que celles-ci se développent enfin à un rythme soutenu, il faut un système de financement qui procure de la sécurité aux investisseurs et les encourage ainsi à investir massivement dans les énergies renouvelables dans notre pays. L’instrument qui s’est avéré être le plus efficace est la prime de marché glissante, qui permet à tous les acteurs du marché d’accéder à des capitaux externes pour les investissements à des coûts plus bas, car les revenus sont garantis par la loi dans le cadre d’un fonctionnement normal. En même temps, ce système de financement convainc, car lorsque les prix de l’électricité augmentent, comme c’est actuellement le cas, la plupart des installations peuvent se passer du soutien de l’État. Les coûts de revient sont couverts par le marché et le fonds alimenté par le supplément réseau est par conséquent préservé. De surcroît, si l’instrument est assorti d’un « contract for difference », le fonds alimenté par le supplément réseau peut même être alimenté par des excédents en cas de situation favorable sur le marché de l’électricité. Les contributions aux investissements comportent en revanche toujours un risque d’effets d’aubaine ou de surfinancement.

En complément d’un mécanisme de financement intelligent et efficace, d’autres adaptations des conditions-cadres sont nécessaires pour que la transformation du système énergétique s’opère rapidement. Il s’agit par exemple de créer des capacités de production axées sur la sécurité d’approvisionnement hivernale. De même, les dispositifs de stockage utiles au réseau, à l’instar des centrales de pompage-turbinage, doivent être affranchis des taxes d’utilisation du réseau. Les regroupements de consommation propre doivent être développés, afin que l’électricité puisse être utilisée autant que possible au plus près de son lieu de production. Gérées de manière intelligente, ces deux mesures permettent en outre de délester les réseaux.

Le fait que la situation actuelle nous incite à accélérer le développement des énergies renouvelables a un effet vertueux. Pour diverses raisons, investir dans les énergies renouvelables s’apparente en effet à une démarche pertinente en termes de politique économique : nous créons de la valeur ajoutée en Suisse ; notre approvisionnement énergétique – en remplaçant le gaz et le pétrole – devient de moins en moins dépendant de l’étranger et donc moins sujet aux risques de fluctuation des prix ; en développant les énergies renouvelables, nous investissons dans des technologies durables et sûres – et ce, en remplacement de l’énergie nucléaire, qui est coûteuse, non renouvelable et de surcroît loin d’être sûre.

Fabienne Thomas, Responsable Politique aeesuisse